Lexique non-duel de mots bibliques et spirituels

Peut-on vraiment dé-finir l’Infini, si définir signifie lui mettre une limite ?

Ce lexique est vivant, en perpétuelle évolution. Il se transforme au fil de vos questions et de la recherche commune à la Maison bleu ciel.

Les définitions proposées ici ne sont pas des vérités figées, mais des pistes, des invitations à explorer, à questionner, à reformuler. Provisoires, elles ouvrent un chemin, offrent des repères sans enfermer, éclairent sans figer le mystère. Si elles ne résonnent pas en vous, laissez-les de côté. Et si elles vous inspirent d’autres mots, d’autres formulations, suivez cet élan : c’est dans cette dynamique que ce lexique prend tout son sens.

Dans le domaine spirituel, les mots balbutient souvent. Ils ne sont que des éclats, des tentatives imparfaites pour pointer vers l’Indicible. Et au fil du temps, ils ont accumulé des couches, des interprétations, des rigidités qui les éloignent de leur source vive.

Les mots doivent être lavés pour retrouver leur limpidité. Ils ne prennent leur véritable sens que lorsqu’ils sont réaccordés à l’expérience, à la présence, à la résonance intime avec l’Essentiel. Ici, nous ne cherchons pas tant à les définir qu’à les laisser respirer à nouveau, à les délester de ce qui les alourdit pour qu’ils puissent redevenir ce qu’ils sont : des portes ouvertes vers l’Infini.


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  • L’hésychasme (du grec hēsychia, « silence, tranquillité ») est une voie de prière silencieuse et d’unification intérieure, née dans la tradition chrétienne orientale. Il ne s’agit pas d’une technique, mais d’un chemin vers l’apaisement profond, où l’être s’ouvre à la Présence dans une écoute silencieuse, où le silence devient prière.Les hésychastes pratiquent la prière du cœur, répétant intérieurement une invocation simple, souvent "Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, prends pitié de moi." Cette répétition n’est pas une accumulation de mots, mais un souffle qui s’accorde au rythme de la vie, jusqu’à ce que la prière ne soit plus seulement dite, mais qu’elle devienne l’espace même de l’être.Loin de fuir le monde, l’hésychasme invite à une descente en soi, au-delà du bruit mental, dans une nudité intérieure où l’Infini peut se révéler. Il ne s’agit pas d’obtenir quelque chose, mais de se laisser rejoindre par ce qui est déjà là."Demeurez dans le silence et sachez que je suis Dieu." (Psaume 46,10) – L’hésychasme est cette connaissance qui ne passe plus par le mental, mais par l’expérience d’un silence habité, où l’être se laisse unifier dans le Souffle.
  • Le verbe allemand hineinhorchen souvent utilisé par Etty Hillesum signifie "écouter en soi", tendre l’oreille vers l’intérieur pour percevoir ce qui ne se dit pas dans le bruit du monde. Ce n’est pas une simple introspection psychologique, mais une écoute profonde, une disponibilité à ce qui murmure en nous, au-delà du mental et des agitations.Dans son journal, Etty Hillesum pratique cette écoute intérieure au cœur même du chaos. Alors que la guerre fait rage, elle choisit de descendre en elle-même, d’y chercher un espace inviolable, un lieu de silence où la Présence peut se révéler :"Ce puits très profond en moi, et dans lequel parfois je descends, ce puits est aussi Dieu. [...] Ce qui compte, c'est d'avoir en soi un morceau de Dieu et de le porter avec soin."Pour elle, hineinhorchen n’est pas fuir le réel, mais trouver un ancrage qui permet de traverser l’épreuve sans être englouti-e. Elle ne nie pas la souffrance, elle ne cherche pas à la fuir, mais elle apprend à l’habiter autrement, depuis un espace intérieur où la Vie demeure intacte.C’est aussi ce que découvre Élie au mont Horeb : l’Infini n’est pas dans la violence des éléments, mais dans "le murmure d’un souffle léger" (1 Rois 19,12). Ce souffle, on ne l’entend que si l’on s’arrête, que si l’on fait silence.Hineinhorchen, c’est donc cette capacité à descendre en soi pour entendre autrement, à s’ouvrir à un silence qui n’est pas vide, mais habité. C’est dans cette écoute intérieure que se révèle une présence plus vaste, qui ne protège pas du tragique, mais qui permet de le traverser sans perdre le lien avec l’Essentiel.
  • La honte est une contraction, un mouvement de fermeture où l’on se sent exposé-e, inadéquat-e, indigne d’être vu-e tel-le que l’on est. Elle survient lorsque nous nous jugeons à travers le regard des autres, ou lorsque nous avons intégré une image de nous-mêmes qui rejette une part de notre être.Dans la Bible, après avoir mangé du fruit, Adam et Ève "se cachèrent de la face de Dieu." (Genèse 3,8). La honte n’est pas dans l’acte lui-même, mais dans le rejet de soi, dans la peur d’être vu-e et reconnu-e tel-le que l’on est. Pourtant, la voix de l’Infini ne condamne pas, elle appelle : "Où es-tu ?" – non pour juger, mais pour inviter à sortir de la cachette.La honte peut être un enfermement lorsqu’elle nous enferme dans l’illusion d’être "trop" ou "pas assez". Mais elle peut aussi devenir un seuil : lorsque nous osons la regarder sans nous juger, elle se transforme en réconciliation.La vraie guérison de la honte n’est pas de prouver notre valeur ni de nous conformer à une attente extérieure, mais d’oser nous tenir dans l’Ouvert, dans la nudité de ce que nous sommes. Là où nous cessons de fuir, où nous acceptons d’être vus sans masque, la honte se dissipe et laisse place à la simple présence.
  • Le Horeb est un lieu de rencontre avec l’Infini, une montagne de révélation comme le Sinaï. Mais si le Sinaï est marqué par le feu et le tonnerre, le Horeb est le lieu du murmure, du dépouillement et de l’écoute profonde.C’est sur cette montagne qu’Élie, fuyant le bruit du monde et sa propre peur, cherche Dieu. Il assiste à un vent violent, à un tremblement de terre, à un feu, mais l’Infini n’est pas dans ces manifestations spectaculaires. Ce n’est que dans "le murmure d’un souffle léger" (1 Rois 19,12) qu’il perçoit la Présence.Le Horeb est ainsi la montagne de l’intériorité, de l’invitation à voir autrement. Il nous rappelle que l’Essentiel ne se dit pas toujours dans le tumulte, mais dans le silence, dans l’infime, dans ce qui ne force pas mais qui appelle.Monter au Horeb, c’est entrer dans une disponibilité à ce qui ne se perçoit qu’avec un cœur apaisé. C’est comprendre que la force de l’Infini ne se manifeste pas dans la domination, mais dans l’invisible qui murmure en nous, dans ce souffle intérieur qui ne s’impose pas mais qui attend d’être entendu.
  • L’humilité n’est pas se rabaisser ni se mépriser. Elle n’est pas le contraire de l’orgueil, mais de l’illusion de séparation. Être humble, c’est reconnaître que nous ne sommes pas au centre de tout, mais partie d’un grand Tout qui nous dépasse.L’humilité est la transparence à l’Essentiel. Elle ne cherche ni à briller ni à s’effacer, mais à laisser la Vie circuler librement, sans appropriation.