enfant

L’enfant n’est pas seulement ce petit être à éduquer, ni un âge à dépasser. Ce mot ne renvoie pas simplement à une étape de la vie, mais à une qualité intérieure, souvent oubliée à mesure que s’installe l’ego. Il ne s’agit pas ici d’un retour à l’immaturité, mais d’un mouvement vers une innocence consciente, une transparence d’être.

L’Évangile de Thomas évoque à plusieurs reprises cette enfance spirituelle comme une clé pour entrer dans le Royaume ou reconnaître le Vivant. Dans le logion 4, Jésus dit : « L’homme vieux dans ses jours ne tardera pas à demander à un petit enfant de sept jours, au sujet du lieu de la vie, et il vivra. Car beaucoup de premiers seront derniers, et ils deviendront un seul. » L’enfant de sept jours symbolise ici une conscience encore unifiée, non divisée par les oppositions intérieures. L’homme chargé d’années — image du mental encombré, du moi construit — est invité à s’incliner devant cette fraîcheur originaire, cette simplicité non-duelle.

Et plus loin, dans le logion 22, Jésus ajoute : « Ces petits qui tètent sont semblables à ceux qui entrent dans le Royaume. » Puis il parle d’unifier le deux en un, l’intérieur et l’extérieur, le haut et le bas, le masculin et le féminin. L’enfance devient alors le symbole d’un état d’unification : non pas un âge, mais une manière d’être où rien n’est séparé, où tout respire ensemble dans l’un.

C’est dans ce même esprit que Jésus ressuscité appelle ses disciples « mes enfants » (Jean 21,5). Ce n’est pas une simple parole affectueuse ou un brin paternaliste, mais la reconnaissance de leur capacité à redevenir intérieurs, réceptifs et unifiés. L’enfant véritable n’est pas derrière nous, il est au-dedans, comme un seuil du Vivant toujours ouvert. L’enfant, c’est ce lieu de l’être où tout peut commencer.

« L’enfance n’est pas derrière nous. Elle est ce qui veille, patiemment, pour que nous n’oublions pas de vivre ».

Christian Bobin
Synonymes:
enfance
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