Le silence n’est pas une consigne. Ce n’est pas un simple vide ni une absence de mots, mais une présence vivante et aimante. Un espace où la vie parle autrement, où chaque part de nous peut être entendue et exister pleinement. Il y a tant de choses qui se sont passées, qui font mal. Il y en a tant qui pleurent…
« Le silence n’est pas une consigne, le silence c’est quelqu’un que l’on regarde, en qui l’on vit, que l’on respire. » – Maurice Zundel
Pourquoi le silence fait-il peur ?
Le silence intrigue autant qu’il effraie. Beaucoup l’évitent, comme on fuit un vide menaçant. Il peut faire peur, surtout lorsqu’on vit seul-e, lorsqu’on a grandi dans le bruit des écrans, des conversations, du quotidien qui remplit chaque espace. Il peut sembler pesant, comme une solitude qui s’étire.
D’autres le recherchent et s’y abandonnent avec joie. Certain-e-s osent partir en retraite, dans un monastère ou au cœur de la nature, pour le goûter pleinement. Mais pour beaucoup, cette idée reste intimidante.
Pourquoi cette peur ? Peut-être parce que le silence ne triche pas. Il met en lumière ce qui est là, en nous. Il fait remonter ce que le bruit masque. Il nous laisse face à nous-mêmes, sans distraction.
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Le silence, un espace vivant
Mais si le silence est parfois inconfortable, c’est aussi parce qu’on l’aborde comme une contrainte, une absence. Or, il n’est ni vide, ni manque. Il est présence.
Il n’exclut pas les bruits, il les embrasse. Il ne nous isole pas, il nous relie autrement. Il est ce grand espace où tout peut exister sans être jugé, où tout peut se poser sans être contraint.
On peut s’ouvrir à lui sans radicalité, sans forcer. En commençant par l’accueillir par petites touches. Éteindre la radio quelques minutes. Ralentir. Écouter les bruits de la ville autrement. Se promener sans musique dans les oreilles. Observer ce qui se passe quand on cesse de combler chaque instant.
« Dieu est un secret qui ne s’entend que dans le silence du moi. » – Maurice Zundel
Le silence transforme notre être
Peu à peu, une familiarité s’installe. On découvre que le silence ne nous enferme pas, mais nous ouvre. Qu’il ne nous coupe pas des autres, mais nous y rend plus attentifs.
On commence souvent par oser être en silence. Puis on apprend à faire silence, à laisser le silence se faire, jusqu’à ce que le silence soit là, simplement. À ce moment-là, il n’y a plus de distinction entre soi et le silence. Il devient notre respiration, notre regard, notre manière d’habiter le monde.
Le silence change notre relation au temps. Vouloir aller vite, remplir, combler, génère du bruit. Mais dans l’espace du silence, le temps s’étire, il devient présence. Il ne s’agit plus de saisir, de comprendre, d’expliquer, mais de goûter l’instant tel qu’il est, de s’y abandonner.
Un autre langage que les mots
On découvre alors une autre manière d’être en lien. Parfois, il suffit d’un regard, d’une présence silencieuse, pour que tout soit dit. Il est des instants où les mots deviennent superflus, où le silence porte plus loin que le langage.
Dans la Bible, il est écrit : « Au commencement était le Verbe (Logos). » Jean-Yves Leloup nous invite à comprendre que le Logos n’est pas simplement la parole prononcée, mais une information créatrice qui précède et anime toute chose, tout être. C’est cette intelligence sous-jacente qui tisse le réel, qui porte la vibration de la vie avant même qu’elle ne s’exprime en mots.
Parler est un acte créateur, mais la parole déforme parfois ce que nous voulons exprimer. Le silence communique ce que les mots trahissent. Une présence enracinée en soi, un regard habité de compassion, une joie profonde se perçoivent bien au-delà des mots.
Il suffit d’avoir déjà vécu ces instants de communion silencieuse, où tout est compris sans qu’aucune explication ne soit nécessaire. La tendresse d’un regard, la vibration d’un sourire, la lumière d’un instant partagé.
Offrir le silence
Et si nous explorions la place du silence dans nos vies ? Dans nos familles, nos relations, nos organisations ?
- Marcher silencieusement avec un-e ami-e avant une conversation difficile.
- Partager un repas en silence pour redécouvrir la saveur du simple.
- Accueillir des pauses de silence dans les réunions pour laisser le dialogue se réaccorder.
Chaque fois que nous osons le silence, il nous transforme subtilement. Il nous fait revenir à l’essentiel, à ce qui est vrai, à ce qui ne passe pas.
Le silence est un cadeau. Une offrande. Osons-le, offrons-le.
Et dans le doute, fermons les yeux. Écoutons. Le silence est déjà là.
Nils Phildius, 17 février 2025