Dans un monde divisé, retrouver un lieu intérieur d’unité

Une prière dans un temps de fracture

Dans le monde actuel, où la division semble gagner du terrain – entre nations, convictions, identités, intérêts – il devient vital de retrouver un lieu intérieur d’unité. Non pour nier la complexité du réel, mais pour ne pas s’y perdre. La prière que Jésus transmet à ses disciples commence par une parole à la fois simple et bouleversante : « Notre Père qui es aux cieux. » Elle ne désigne pas un Dieu lointain, mais une Source commune, une Origine invisible qui nous unit au plus profond. Elle nous rappelle que, malgré tout ce qui nous divise, nous venons du même lieu, et que ce lieu n’est pas hors d’atteinte. Dans un monde qui crie, qui juge, qui se déchire, cette prière nous invite à un autre regard, à un autre point d’appui, à une autre façon d’habiter la vie.

Ces mots, si simples en apparence, portent une profondeur insoupçonnée. Ils ne désignent pas un Dieu lointain, ni un pouvoir supérieur auquel il faudrait se soumettre. Ils sont une invitation à un retournement intérieur, à se souvenir de l’Essentiel.

Nommer la Source

Notre Père : ce n’est pas un père humain idéalisé, ni un maître autoritaire. Ce mot, si chargé pour beaucoup, parle ici d’un état de conscience. Le Père, dans la bouche de Jésus, n’est pas une personne extérieure, mais une Source vivante, une Présence intérieure, celle qui donne l’être sans le retenir, qui engendre librement, par amour. Ce n’est pas un être séparé du monde. C’est l’Origine invisible qui se donne à chaque instant. Dire « Père », ce n’est pas faire appel à un secours venu d’en haut, c’est reconnaître que notre être profond est déjà relié à cette Source, que nous sommes enfants de l’Être, non pas moralement, mais ontologiquement. Nous recevons notre vie d’un amour qui ne retient rien.

Les cieux, ce lieu de l’Unité voilée

Et ce Père est « aux cieux ». Non pas dans un ailleurs céleste, mais dans la dimension invisible de l’unité, là où tout est déjà accompli. Les « cieux » ne sont pas un lieu au-dessus de nos têtes, mais un espace de conscience où il n’y a plus de séparation, où tout est relié, où règne la paix d’avant les conflits. Dire « qui es aux cieux », c’est affirmer que ce Père ne réside pas dans notre monde de division, de peur, de comparaison — même s’il y est présent, silencieusement, dans chaque parcelle du réel. Il est là, mais non comme chez lui. Son lieu véritable est l’espace du non-séparé, le Royaume du dedans, cette Source d’unité qui nous habite mais que nous oublions. Les cieux ne sont pas ailleurs : ils sont ce regard intérieur qui reconnaît la Présence au cœur même du chaos, sans confondre le chaos avec la Source.

L’expérience quotidienne de la séparation

Nous vivons souvent dans un monde où tout semble fragmenté : notre cœur est divisé, nos relations traversées de peurs, de jugements, de protections. Nous cherchons à l’extérieur ce que nous avons perdu de vue en nous. Les cieux, eux, ne sont pas ailleurs, mais déjà là, comme la conscience d’unité enfouie au fond de nous, à laquelle nous pouvons nous ouvrir.

Une prière de retournement

Alors, prier « Notre Père qui es aux cieux », ce n’est pas parler à un Dieu lointain, mais se souvenir que cette unité existe, qu’elle est notre vraie nature, même si nous ne la vivons pas encore pleinement. C’est un acte de foi intérieure : je suis plus vaste que mes conflits, plus profond que mes peurs, plus vrai que mes blessures.

Là où commence le Royaume

C’est une prière de retour. Une prière pour nous recentrer. Une prière pour laisser naître en nous cette part unifiée, silencieuse et aimante qui sait que tout est relié. C’est là que commence le Royaume, non dans un futur lointain, mais ici, dans l’instant où nous nous souvenons que nous sommes issus de l’Unité… et appelés à la manifester.

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