Si tout ce que j’ai construit patiemment disparaissait ? Si mon travail, mes rôles, mes repères s’effaçaient d’un coup ? Si je n’avais plus de place, plus d’utilité aux yeux des autres ? Si même le sens de ma vie s’évanouissait ?
Et si ma mémoire me lâchait ? Si les noms de mes proches devenaient flous, si les visages que j’aime s’effaçaient dans l’oubli ? Si un à un, ceux qui m’aiment disparaissaient, me laissant dans un silence absolu ?
Et si mon corps me trahissait ? Si mes jambes refusaient d’avancer, si mes mains ne répondaient plus, si mon souffle devenait imperceptible ? Si je perdais tout… que resterait-il ?
Et si le monde lui-même s’effaçait ? Si les forêts brûlaient, si les mers s’asséchaient, si les montagnes s’écroulaient et que jusqu’aux étoiles s’éteignaient dans l’immensité ?
Que reste-t-il alors, dans cette expérience crucifiante d’un abandon total, où même l’Essentiel semble se taire ?
Il ne reste plus rien… C’est le dépouillement total, la chute des illusions. Je ne suis plus mes réussites, mes appartenances, mes certitudes. Même mon nom ne signifie plus rien. C’est le grand vide. L’abandon ultime.
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Et pourtant…
« Ce qui est bouleversant, c’est que quand tout est détruit, il n’y a pas la mort et le vide comme on le croirait, pas du tout. Je vous le jure. Quand il n’y a plus rien, il n’y a que l’Amour. Il n’y a plus que l’Amour. Tous les barrages craquent. C’est la noyade, l’immersion. L’amour n’est pas un sentiment. C’est la substance même de la création... » (Christiane Singer)
Jésus, au sortir des eaux du Jourdain après son baptême, a vécu cette expérience radicale. En plongeant dans l’eau, il s’est laissé laver, délester de tout ce qui l’encombrait : les attentes du monde, les illusions de l’ego. Il est sorti de l’eau nu, libre, dépouillé. Et dans cet abandon total, une parole a surgi :
« Tu es mon enfant bien-aimé, en toi j’ai mis tout mon amour. »
Ce n’était pas une promesse, c’était une révélation. Une évidence qui surgit quand tout le reste s’efface.
Jésus a voulu transmettre cette expérience fondamentale. Tout au long de sa vie, il a cherché à éveiller les autres à cette vérité : l’Amour est là, toujours. Même au cœur de l’effondrement. Même sur la croix.
Là où tout disparaît, il ne reste que l’essentiel. Tu es mon bien-aimé-e. Je suis le-la bien-aimé-e de la Vie.
L’Amour n’est pas un sentiment. C’est la substance même de la création. C’est l’évidence que l’on ne voit que lorsqu’il ne reste plus rien d’autre.