[Jésus dit à ses disciples:]
14 Lorsque vous verrez l’abomination de la désolation installée là où elle ne doit pas être – que le lecteur comprenne –, alors, que ceux qui seront en Judée s’enfuient dans les montagnes. 15 Que celui qui est sur le toit ne descende pas et n’entre pas pour prendre quelque chose dans sa maison. 16 Et que celui qui est dans les champs ne retourne pas en arrière pour prendre son manteau.17 Malheur à celles qui seront enceintes ou allaiteront en ces jours-là. 18 Priez pour que cela n’arrive pas en hiver. 19 Car ces jours seront une détresse telle qu’il n’y en a jamais eu depuis le commencement de la création faite par l’Essentiel, jusqu’à maintenant, et qu’il n’y en aura plus.20 Et si l’Essentiel n’avait écourté ces jours, personne ne serait sauvé ; mais à cause des élus qu’il a choisis, il les a écourtés.
21 Si quelqu’un vous dit alors : “Voici, le Christ est ici !” ou “Il est là !”, ne le croyez pas. 22 Car de faux christs et de faux prophètes surgiront, ils feront des signes et des prodiges pour égarer, si possible, même les élus. 23 Soyez donc sur vos gardes. Je vous ai tout dit d’avance.
24 Mais en ces jours-là, après cette détresse, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, 25 les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. 26 Alors on verra le Fils de l’humain venir dans les nuées avec grande puissance et gloire. 27 Et il enverra les messagers pour rassembler ses élus des quatre vents, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel.
Marc 13, 14-27
Ce texte de Marc évoque un moment de bouleversement total, une nuit symbolique où tout ce qui semblait solide s’effondre, où les repères tombent les uns après les autres, et où quelque chose de plus profond, de plus vivant, peut enfin émerger.
Il ne s’agit pas d’annoncer la fin du monde, mais la fin d’un monde. Le monde de nos certitudes, de nos sécurités, de nos images bien rangées. Ce monde-là, tôt ou tard, craque. Pas pour nous punir, mais pour nous réveiller.
Quand Jésus parle de « l’abomination de la désolation », il parle de cet envahissement intérieur, quand la peur, l’ego, l’illusion s’installent à la place du cœur. Quand le temple de la Présence devient le lieu du vacarme, de la confusion, du vide. Cette désolation, on la connaît tous. Elle a mille visages : épuisement, colère, perte de sens, sentiment d’éloignement, blessures anciennes qui reprennent le dessus.
Et pourtant, Jésus n’invite pas à faire marche arrière. « Ne retourne pas en arrière », dit-il. Ce qui doit tomber doit tomber. Même si ça rassurait. Même si ça faisait partie de notre structure identitaire. Il faut parfois tout lâcher pour retrouver le fil, même celui de la foi.
La nuit que nous traversons n’est pas la fin. Elle est, peut-être, le seuil d’une naissance. Un travail intérieur profond, qui nous traverse comme une vague. Et au cœur de cette obscurité, il y a un appel : ne pas croire aux sauveurs extérieurs, ne pas chercher dans l’agitation du dehors ce qui ne peut naître qu’au-dedans.

Le soleil s’obscurcit, les étoiles tombent… Ce sont nos lumières habituelles, nos idées toutes faites, nos cadres mentaux qui se dissolvent. La Présence ne vient pas dans l’évidence. Elle surgit dans la brume, dans les nuées, dans ce qui reste flou. Pas pour nous perdre, mais pour élargir notre regard.
Et c’est là qu’apparaît « le Fils de l’humain ». Non pas un être extérieur, mais une réalité intérieure : la conscience unifiée, le Je-suis, la part éveillée et non-identifiée de notre être qui peut enfin émerger quand tout le reste s’effondre.
Après la dispersion vient le rassemblement. Après l’éparpillement, une unification possible. Quelque chose se recompose, mais autrement, plus en profondeur, depuis un nouveau centre. Le chaos n’était pas un effondrement sans retour, mais un passage. Une matrice.
Alors oui, ce texte parle d’obscurité, mais il ne parle jamais de peur. Il parle de vigilance, de lucidité, de confiance enracinée dans quelque chose de plus vaste que nos certitudes.
Et si nous vivions ces effondrements intérieurs non comme une menace, mais comme un seuil ? Un appel à la Présence. Une invitation à laisser émerger, lentement, dans les nuées de nos vies, ce visage intérieur, doux et vaste, du Je-suis.
Ce texte fait partie d’un chemin pour la semaine de Pâques.
Un texte par jour, comme une invitation à l’écoute intérieure, à l’éveil du Je-suis, à partir des récits bibliques relus dans une perspective non-duelle.