Un monde en ébullition
Notre monde est en effervescence. Face aux bruits de guerre, aux violences et aux souffrances, il est impossible de rester indifférent-e. Nous sommes touché-e-s, parfois même jusque dans nos profondeurs.
Dans ce tohu-bohu, quelle(s) voix laissons-nous parler en nous ? Avec étonnement, nous découvrons que la frontière entre confiance et inquiétude, paix et violence, quiétude et colère passe bien souvent à l’intérieur de nous. Nous sommes habité-e-s à la fois par le tumulte et par le silence…
Comment élargir l’espace du dedans ? Est-il possible de s’ouvrir à d’autres niveaux de conscience pour traverser les épreuves différemment ?
Une échelle de niveaux de conscience
Je vous propose une grille de lecture de nos réactions et de nos émotions, sous la forme d’une échelle de niveaux de conscience inspirée par Jean-Yves Leloup. Cet outil peut devenir une pratique pour traverser les événements de la vie autrement.
Lorsque nous sommes confronté-e-s aux peurs, aux angoisses ou à la violence, nous pouvons choisir de ne pas réagir instinctivement. Cette échelle nous aide à observer ce qui se passe en nous, à conscientiser nos réactions et à cultiver une présence plus apaisée au cœur des tempêtes.

Quelle voix laissons-nous parler en nous ?
Les événements du monde, les conflits, les injustices réveillent en nous des réactions profondes. Avec stupeur, nous réalisons parfois que la voix de la violence et de la vengeance nous habite aussi. Elle était là depuis toujours, mais jusque-là contrebalancée par d’autres valeurs. Puis un jour, la souffrance prend toute la place…
Avant d’en arriver là, il est essentiel de s’exercer à écouter :
- Quelle voix est-ce que je laisse parler en moi ?
- D’où vient-elle ?
- Quelle mémoire de mon histoire l’alimente ?
- Quelles émotions la nourrissent ?
Se poser ces questions nous aide à sortir du mode automatique. Cette vigilance intérieure fait écho à l’invitation du Christ :
« Veillez donc, car vous ne savez pas quand viendra le maître de la maison, ou le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou le matin; de peur qu’il ne vienne à l’improviste, et qu’il ne vous trouve endormis. Ce que je vous dis, je le dis à tous : Veillez. » (Marc 13:35-37)
Veiller, c’est être attentif à ce qui se passe en nous, aux niveaux de conscience qui s’expriment en nous. C’est ne pas nous laisser enfermer dans une seule perspective, mais ouvrir un espace intérieur où d’autres horizons deviennent possibles.
Explorer nos différents niveaux de conscience
Nous sommes traversé-e-s par plusieurs niveaux de conscience, chacun ayant sa propre logique. Voici quelques-unes de ces strates :
- La conscience individuelle : centrée sur la survie et l’instinct de protection.
- La conscience familiale : héritage de nos ancêtres, de leurs blessures et de leurs transmissions.
- La conscience sociale : influencée par notre culture, notre nation, nos traditions.
- La conscience collective : marquée par l’histoire des peuples, parfois transmise sur des générations.
- La conscience du Vivant : lorsque les frontières du moi s’estompent et que nous nous reconnaissons relié-e-s à tout le vivant.
- La conscience imaginale : celle des archétypes, du monde des idées, du subtil.
- La conscience du Je-suis : où s’efface la dualité, où tout est Un.
- La conscience infinie : la pure Présence, le Silence au-delà de tout.
Se déplacer entre ces niveaux, les visiter, les conscientiser, les illuminer, c’est élargir l’espace du dedans. C’est retrouver une liberté intérieure que nous ignorions parfois avoir perdue.
Une clé pour la paix intérieure et le monde
Lorsque nous restons figé-e-s à un niveau restreint, nous restons enfermés dans sa logique propre :
- Si nous sommes pris dans la conscience du moi, nous ne pouvons envisager la solidarité.
- Si nous restons dans la conscience de notre nation ou de notre groupe, nous ne pouvons nous sentir Un avec le Vivant.
- Si nous ne nous ouvrons pas à l’Infini, nous ne pouvons toucher l’éternité de la Vie.
À l’inverse, voyager entre ces mondes intérieurs ouvre d’autres horizons, nous fait découvrir des alternatives. Cela permet de transformer nos réactions premières en lieu de conscience et de liberté.
Ce chemin intérieur nous offre aussi un refuge : un espace où la violence et la souffrance n’ont plus d’emprise. Là où nous pouvons goûter à la pure Présence.
Défricher des clairières de paix
Nos émotions, nos décisions, nos choix sont influencés par le niveau de conscience d’où ils émergent. Lorsque nous devenons conscients de cela, nous pouvons choisir ce que nous mettons en paroles ou en actes.
Comme l’exprimait Etty Hillesum :
Notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous-même de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres. Et plus il y aura de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en ébullition.
C’est peut-être une des plus belles manières de contribuer à guérir le monde : en nous entraînant, chaque jour, à visiter ces différents niveaux de conscience et à laisser émerger en nous une parole, une action, un silence habité par la Présence.
Nils Phildius, 30 octobre 2023
Pour aller plus loin, vous pouvez regarder la vidéo de l’Heure bleu ciel sur ce thème