« Fais ce que je veux, sinon ça va mal se passer. »
Que pouvons-nous faire lorsque l’intimidation, qu’elle soit individuelle ou collective, semble s’imposer comme une norme ? Et surtout, quelle attitude adopter lorsque nous sommes sur un chemin spirituel ?
Subir l’intimidation au quotidien
Subir l’intimidation, c’est vivre une expérience douloureuse où l’on sent que notre être profond est nié. Par exemple, cela peut se produire lorsque quelqu’un interrompt volontairement votre parole lors d’une réunion, lorsqu’un regard sévère vous pousse au silence, ou quand vous êtes la cible répétée de critiques subtiles mais délibérées. Ces situations créent en nous une sensation d’étouffement intérieur, où l’on sent que notre espace personnel se réduit peu à peu. La peur du jugement, du rejet ou de l’exclusion s’installe progressivement, ébranlant notre confiance et notre estime de soi. Souvent, la victime d’intimidation finit par croire, à tort, qu’elle est elle-même responsable ou qu’elle mérite ce qui lui arrive.
Retrouver son espace intérieur
Même face à ces difficultés, il existe une voie intérieure pour retrouver notre équilibre. Cet espace inviolable en nous, notre dignité profonde, demeure intact malgré l’intimidation extérieure. Jésus lui-même, confronté à l’intimidation des autorités religieuses et politiques, a toujours maintenu cette dignité intérieure intacte. Il nous rappelle : « N’ayez pas peur » (Marc 6,50). Prendre conscience que l’intimidation subie ne révèle pas une faiblesse de notre part, mais plutôt la fragilité et les peurs de la personne qui intimide, constitue déjà un premier pas vers une libération intérieure. Nous pouvons alors refuser intérieurement de devenir complice de cette violence subtile.
Quand l’intimidation devient collective

Ce que nous vivons parfois à titre individuel se retrouve aussi à des échelles bien plus larges, où des forces politiques, économiques et médiatiques utilisent ces mêmes mécanismes pour asseoir leur pouvoir. Nous avons basculé dans un monde où l’intimidation se généralise et semble devenir un moyen normal et légitime de gouverner, influencer et contrôler. Loin d’être un simple débordement irrationnel, elle est désormais une stratégie réfléchie visant à empêcher l’autre d’agir. Cette logique s’impose dans les rapports de force politiques, économiques et sociaux, verrouillant la possibilité de toute contestation libre et authentique. Elle s’infiltre dans les discours politiques, dans les médias, dans les relations économiques et même dans la sphère sociale. Par la peur, la pression ou la manipulation, des individus et des groupes sont réduits au silence, contraints de se conformer ou de renoncer à leurs convictions profondes.
À plus grande échelle, l’intimidation prend une forme collective aux conséquences dramatiques. On pense notamment aux régimes autoritaires qui intimident par la menace pour maintenir leur pouvoir, aux pressions économiques choisies par certains dirigeants pour préserver leurs intérêts, ou encore à la marginalisation volontaire de certains groupes sociaux ou religieux. Ces formes d’intimidation sont souvent issues du besoin de contrôle absolu, de la peur de perdre son pouvoir ou d’une volonté consciente de diviser pour mieux régner. Cette intimidation généralisée détruit des vies concrètement, brise les voix, étouffe l’espoir et maintient des millions de personnes dans le silence et la souffrance quotidienne. Jésus lui-même a refusé de se soumettre à l’oppression systémique de son époque, nous invitant à une résistance non-violente mais résolue.
Une résistance consciente et non-violente
Face à cette montée en puissance de l’intimidation collective, comment résister sans tomber dans la haine ou la violence ? Loin d’être une posture de retrait, la paix intérieure devient un levier de transformation. En puisant dans la force de la conscience, nous nous rappelons que l’Essentiel en chacun-e reste inviolable, au-delà de toute oppression. Cette résistance consciente, ancrée dans la compassion et la solidarité, ne répond pas à la violence par la haine, mais affirme avec force la dignité fondamentale de chaque être humain.
Cette résistance peut prendre des formes très concrètes : oser témoigner et refuser le silence face aux injustices, rejoindre des mouvements de solidarité qui défendent les personnes opprimées, ou encore cultiver en soi une force intérieure qui empêche la peur de nous paralyser. Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela ont incarné cette posture en refusant l’oppression sans jamais abandonner l’amour et la non-violence. De même, Etty Hillesum, dans les heures les plus sombres du XXe siècle, a refusé de laisser la haine l’envahir et a choisi de témoigner d’une lumière intérieure inébranlable.
Lorsque nous choisissons de ne pas répondre à l’intimidation par la soumission ou la colère, mais par une présence ferme et apaisée, nous ouvrons un chemin de liberté, non seulement pour nous-mêmes, mais pour celles et ceux qui nous entourent.
Seraphim de Sarov, moine orthodoxe russe du XVIIIe siècle et grande figure de la tradition hésychaste, nous rappelle : « Trouve la paix intérieure, et une multitude sera sauvée autour de toi. » En demeurant profondément relié-e-s à notre espace intérieur, nous contribuons à transformer les dynamiques destructrices en actions libératrices, non seulement pour nous-mêmes, mais pour l’ensemble de notre humanité.