Qu’est-ce que la vérité ?
C’est la question que Pilate pose à Jésus au moment de son procès : « Qu’est-ce que la vérité ? » Mais le récit ne rapporte pas de réponse. Comme si la vérité n’était pas une simple notion à définir, mais quelque chose à vivre, à expérimenter.
Pendant longtemps, la vérité a été considérée comme un contenu extérieur, une doctrine à laquelle il fallait adhérer. Aujourd’hui, de plus en plus de personnes comprennent qu’il ne s’agit pas seulement de chercher une vérité que l’on pourrait posséder, mais d’entrer en contact avec la vérité que nous sommes.
Dans un monde où tout semble remis en question, où les repères se brouillent, peut-être est-il temps d’explorer une autre manière d’approcher la vérité : non plus comme un savoir à défendre, mais comme une expérience intérieure, une ouverture au Réel.

Être la vérité plutôt que la posséder
Jésus ne dit jamais : « J’ai la vérité. » Il dit : « Je suis la vérité. » Ce n’est pas une revendication exclusive, mais une invitation à vivre cette même expérience. La vérité n’est pas un objet extérieur, mais une présence, un état d’être en résonance avec le Vivant.
Il ne s’agit pas tant de comprendre intellectuellement que de sentir comment la vérité résonne en nous. Est-ce un besoin de repères ? Une soif d’authenticité ? Une aspiration à être aligné-e avec son être profond ? Une quête de confiance après une blessure ?
Beaucoup aujourd’hui ne cherchent plus à avoir raison, mais à mener une vie juste. À être vrais plutôt que de posséder la vérité. Et cela est plein d’espérance.
Différents niveaux de vérité
On peut distinguer plusieurs façons d’approcher la vérité :
- La vérité des faits : celle de la science, de l’histoire, du droit. Elle repose sur l’observation, la preuve, la démonstration. Mais même à ce niveau, il y a des limites : notre perception est toujours filtrée par nos expériences, nos croyances, notre culture.
- La vérité de l’expérience : ce que nous ressentons, ce qui fait sens pour nous, ce qui nous met en paix ou nous met en mouvement. Cette vérité est plus subjective, plus difficile à prouver, mais elle n’en est pas moins réelle. Elle demande cependant un discernement : nos ressentis peuvent être influencés par nos peurs, nos désirs ou nos conditionnements.
- La vérité de l’Être : c’est la vérité la plus profonde, celle qui ne se dit pas en mots mais se vit dans la Présence. C’est ce que Jésus appelle le Père, ce que d’autres nomment la Source, l’Infini, l’Essentiel. Une vérité qui n’est plus à comprendre mais à être.
La véritable libération n’est pas de posséder une vérité extérieure, mais d’être en vérité avec soi-même, avec le monde, avec la Vie. C’est un état d’unité avec le Réel, une conscience éveillée qui nous rend libres des conditionnements, des croyances figées, des identités imposées.
Une vérité qui libère
Jésus dit : « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. » Mais de quoi sommes-nous esclaves ? De nos peurs, de nos attachements, de nos idées toutes faites, de nos identifications ? La vérité n’est pas un concept, c’est une expérience qui nous délie, qui nous ouvre.
L’histoire de Sagète, racontée par Frère John Martin Sehajananda, illustre bien cela (citée en intégralité ci-dessous). Sagète était un sage qui disait à chacun : « Vous êtes la lumière du monde. Vous êtes le chemin, la vérité et la vie. » Il ne voulait pas être suivi, mais inviter chacun-e à réaliser sa propre vérité. Pourtant, après sa mort, ses disciples ont fait de lui un maître unique, un modèle à imiter, et ils ont créé une religion centrée sur lui plutôt que sur l’expérience de chacun-e. Lorsqu’il revint, il fut bouleversé de voir des milliards de Sagètiens, alors qu’il voulait seulement des êtres libres.
L’histoire de Sagète nous rappelle que la vérité ne doit jamais devenir une prison. Elle est un espace d’ouverture, un chemin vers la liberté intérieure.
Devenir la vérité que nous sommes
La vérité ne se défend pas, elle se vit. Elle ne se possède pas, elle se révèle dans l’instant, dans la présence, dans l’attention à ce qui est. Elle n’est pas un dogme, mais une résonance, une justesse intérieure.
Et si nous arrêtions de chercher à avoir raison ? Si nous osions simplement être vrais ? Être en vérité avec nous-mêmes, avec les autres, avec la Source. Alors peut-être entendrions-nous, au creux du silence, cette parole qui nous traverse depuis toujours : « Je suis. »
Nils Phildius, 4 mars 2024
Pour aller plus loin, vous pouvez regarder la vidéo de l’Heure bleu ciel sur ce thème
Histoire de Sagète, sage et prophète, racontée par fr John Martin
Il était une fois un grand sage et un prophète. Son nom était Sagète. Il réalisa qu’il ne faisait qu’un avec le divin. Dans cette prise de conscience, il s’est également rendu compte que chaque être humain avait la même possibilité ou potentialité. C’est devenu sa mission de proclamer cette vérité et d’inviter tout le monde à réaliser cette vérité. Sa mission était de rendre tout le monde libre.
Sagète a déclaré :
- Je suis la lumière du monde. Vous êtes la lumière du monde.
- Je suis le sel de la terre. Vous êtes le sel de la terre. (Je donne du sens au monde et vous donnez du sens au monde.).
- Je suis le chemin, la vérité et la vie. Vous êtes le chemin, la vérité et la vie.
- La vérité vous rendra libre. Découvrez la vérité.
- Moi et le Père sommes un. Vous et le Père êtes un.
- Je suis toute la création. Vous êtes toute la création.
- J’ai brisé toutes les barrières et je vois un Dieu, une humanité et une création. Brisez toutes les barrières et voyez un Dieu, une humanité et une création.
- Quoi que je fasse aux autres, je le fais à moi-même. Il n’y a pas d’autres. Quoi que vous fassiez aux autres, vous le faites à vous-même. Il n’y a pas d’autres.
- Je vous lave les pieds, c’est pour vous aider à prendre conscience de votre dignité. Lavez-vous les pieds les uns les autres et aidez chacun à prendre conscience de sa dignité.
- Je vis une existence humaine de première main. Vivez une existence humaine de première main
- Je ne veux réduire personne en être humain de seconde main. Ne réduisez personne en un être humain de seconde main. (Un disciple est un être humain de seconde main).
- Je n’appelle personne mes serviteurs ou mes disciples mais mes amis. Vous n’appelez personne vos serviteurs ou disciples mais amis.
- Repentez-vous. Réalisez cette vérité.
Sagète a invité tout le monde à réaliser cette vérité.
Après sa mort, ses disciples ont interprété différemment. Il leur était probablement difficile d’imaginer que ce que Sagète réalisait était une possibilité pour eux aussi. Personne ne devrait les blâmer pour leur compréhension. Ils ont interprété selon leurs besoins et leur compréhension.
Ils ont déclaré :
- Sagète est la seule lumière du monde, suivez cette lumière.
- Sagète est le seul à être lumière pour lui-même, suivez cette lumière.
- Sagète est le seul chemin, la seule vérité, la seule vie, suivez ce chemin, cette vérité et cette vie.
- Sagète est le seul à pouvoir dire que le Père et moi ne faisons qu’un, croyez le.
- Sagète est le seul à avoir vécu une existence humaine de première main, imitez-le.
- Saghet est la seule vérité, lui seul peut vous rendre libre, obéissez-lui.
- Repentez-vous : croyez en Sagète, devenez son disciple, regrettez vos péchés, acceptez Sagète comme votre sauveur et devenez un Sagètien.
Ainsi ses disciples n’ont pas proclamé la pleine vérité de Sagète mais seulement une demi-vérité. Ils sont devenus missionnaires et ont répandu ce message au loin et parfois, dans certains endroits ils l’ont même imposé à d’autres.
Ce message a attiré de nombreuses personnes et elles sont toutes devenues Sagètiens. Il y avait donc des milliards de Sagètiens.
Un jour, Sagète est revenu pour voir comment son message avait été reçu et comment il libèrait les gens.
Il a été choqué de voir des milliards de Sagètiens. Il se sentait très triste. Que s’est-il passé? s’est-il demandé.
- Je voulais que les gens deviennent libres, prennent conscience de leur propre dignité et disent comme moi, je suis le chemin, la vérité et la vie. Je voulais que chacun soit une lumière pour soi et vive une existence humaine de première main mais tout le monde dit : Sagète est la lumière du monde, Sagète est le seul chemin, la vérité et la vie. Ils sont tous devenus mes colonies. Ils sont tous devenus des êtres humains de seconde main. Ma mission était d’être un libérateur spirituel mais on me présente comme un colonisateur spirituel. Partout des colonies spirituelles se forment en mon nom. C’est le jour le plus triste de ma vie, se dit-il.
Il a appelé toutes les personnes qui diffusaient son message et leur a dit :
- Mes amis, le message que vous diffusez en mon nom n’est qu’une demi-vérité.
- Ce qui a été une possibilité pour moi est une possibilité pour tout le monde. Tout le monde peut réaliser ce que j’ai réalisé. Tout le monde peut dire ce que j’ai dit. En proclamant une demi-vérité, vous m’avez transformé en colonisateur spirituel. Vous avez créé des colonies spirituelles en mon nom. Vous avez creusé un gouffre entre moi et les autres. Vous avez créé un apartheid spirituel entre moi et les autres.
- Mes amis, proclamez la pleine vérité et alors vous ferez de moi un libérateur spirituel et donnerez la liberté à toutes les colonies spirituelles. Abolissez cet apartheid spirituel entre moi et les autres. Supprimez ce fossé entre moi et les autres.
- Personne ne devrait dire de lui : je suis un Sagète. Il faut aider chacun à découvrir sa dignité et son originalité et à dire comme moi : je suis le chemin, la vérité et la vie. Cela créera un monde d’unité, de liberté et de paix. Cela créera un monde d’égalité, de fraternité universelle et de libération de toutes les structures oppressives : politiques, religieuses, sociales, économiques, régionales et écologiques.
Ses auditeurs ont d’abord été choqués mais ont finalement accepté cette vision avec joie.
Sagète se sentit heureux et partit satisfait.